La France, l’Allemagne et l’Italie entrent en camLa France, l’Allemagne et l’Italie entrent en campagnes électorales. Un an après les élections de décembre 2015, M. Mariano Rajoy a pris la tête, en Espagne d’un gouvernement minoritaire, qui n’a pu être investi que grâce à l’abstention du PSOE et dont l’action législative dépendra du bon vouloir de ce parti, en proie à la tourmente interne et à la concurrence de Podemos. En Pologne, tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains du PIS, dont le virage autoritaire et l’orientation eurosceptique se confirment.
Ainsi, six mois après le vote des Britanniques sur le Brexit, deux mois après l’élection de Donald Trump comme Président des Etats-Unis, les cinq grands pays européens ne sont pas en ordre de marche pour conférer à l’Union l’impulsion nécessaire pour faire face aux grands défis qui s’imposent à elle.
Et pourtant…Les conclusions du Conseil européen du 15 décembre, plutôt brèves et opérationnelles, se veulent encourageantes.
1/ Sur les migrations, l’année 2016 a été enfin marquée par quelques progrès. Mais dans un contexte de forte menace terroristes, ceux-ci peuvent sembler dérisoires.
Malgré l’intense répression policière et judiciaire engagée par les autorités turques à la suite des évènements du 15 juillet 2016, la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016, par laquelle Ankara s’est engagée à accueillir à nouveau les migrants illégaux entrés dans l’espace Schengen, en contrepartie d’une aide de 3 milliards d’euros de l’UE, a connu un début d’application. On note aussi une meilleure implication des pays d’Afrique subsaharienne dans la mise en œuvre des pactes de lutte contre l’immigration illégale. L’opération Sophia vient en appui aux garde-côtes libyens dans la lutte contre les passeurs. Le corps européen des garde-frontières et garde-côtes commence à prendre forme.
En revanche, le bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) n’est pas encore réellement opérationnel, ce qui explique les nombreuses entorses apportées aux règles de Dublin et la facilité avec laquelle des requérants dont la demande est en cours d’instruction dans un Etat-membre, voire a été rejetée, peuvent sans difficulté se rendre dans un autre Etat et y introduite une nouvelle requête.
2/ Sous la rubrique « sécurité », le Conseil européen traite d’abord du volet intérieur. Il s’agit surtout de noter l’accord sur le renforcement du contrôle aux frontières externes ainsi que la nouvelle législation sur les dossiers passagers (PNR). Un paquet plus global doit être adopté en 2017.
Mais comment l’opinion pourrait-elle admettre la crédibilité de ces progrès, alors que le 19 décembre, quatre jours seulement après le Conseil européen, le Tunisien Anis Amri a commis l’attentat que l’on sait au marché de Noël de Berlin ? Le cas de cet individu est symptomatique des difficultés de l’Europe. Arrivé à Lampedusa en 2011, Amri est condamné à 4 ans de prison pour incendie volontaire. Une fois son incarcération terminée, il aurait dû être expulsé vers son pays d’origine : mais selon une pratique hélas courante, les autorités tunisiennes n’accordent pas le LPC (laissez-passer consulaire). Amri quitte le centre de rétention et part pour l’Allemagne en toute illégalité. Débouté du droit d’asile, il n’est toujours pas expulsé. Une fois commis son terrible forfait, alors qu’il est recherché par toutes les polices européennes, il parvient à repasser en Italie, où enfin, par hasard, il fait l’objet d’un contrôle d’identité. Avant d’être abattu, il fait usage de son arme et blesse un policier italien.
3/ Le chapitre « sécurité et défense » fait l’objet de paragraphes plus étoffés.
Les plus optimistes peuvent y voir un réveil de l’Union après le Brexit et à quelques semaines de l’ère Trump. Mais là encore, au-delà des mots, la réalité est modeste.
Appel à mobiliser plus de ressources pour la défense, mais « en tenant compte des situations nationales et des engagements juridiques ». Nous sommes encore loin de l’exclusion des dépenses militaires du pacte de stabilité et de croissance, qui eût été bienvenue.
Nous trouvons ensuite l’inévitable mise en garde contre les « doubles emplois » avec l’OTAN, prétexte des plus atlantistes pour ne rien faire. Le paragraphe 10 contient l’une de ces tournures particulièrement goûtée des rédacteurs des conclusions du CE : « Agir de manière autonome lorsque c’est nécessaire, là où c’est nécessaire et avec (leurs) partenaires dans tous les cas où c’est possible ». Comme c’est dissuasif !
Mme Mogherini est invitée à présenter des propositions sur les capacités civiles, « les paramètres d’un examen annuel coordonné en matière de défense piloté par les Etats membres », etc…Est même envisagée « une coopération structurée permanente inclusive (mais incluant quoi ?) reposant sur une approche modulaire et traçant les contours de projets éventuels ». A ceux tentés de me taxer d’exagération, je garantis qu’il s’agit d’une citation littérale.
Un peu plus concret : les propositions de la Commission seront étudiées. Elles visent notamment à créer un Fonds européen de la défense. Très bien. Mais à y regarder de plus près, un budget de quelques millions d’euros, prélevable sur le programme recherche est envisagé. Quant aux activités opérationnelles, elles coûteraient beaucoup plus cher : 5 milliards d’euros : ceux-ci viendront des Etats-membres qui le voudront bien.
Après l’élection d’un Président américain décidé à se désintéresser de la défense européenne, une phrase aurait suffi : « Nous sommes enfin décidés à appliquer nos engagements de décembre 2013 sur les capacités opérationnelles, les structures de commandement et le marché de l’armement ». Mais cette phrase ne figure pas dans les conclusions du Conseil européen.
4/ Pour l’énergie, la stratégie sera appliquée en 2018 à condition « que certaines conditions essentielles soient résolues ». Il s’agit surtout du charbon allemand et polonais….
5/ Quelques phrases fortes sur le conflit syrien.
6/ Une voie de sortie pour les Pays-Bas, qui, le 6 avril 2016, ont rejeté par referendum l’accord d’association avec l’Ukraine alors que celui-ci était déjà appliqué à titre provisoire. Une décision des chefs d’Etat ou de gouvernement rappelle que cet accord n’implique ni la vocation de l’Ukraine à adhérer à l’UE, ni la libre circulation des personnes, mais prévoit la lutte contre la corruption dans ce pays.
Que ceux qui s’étonnent encore de la montée de l’euroscepticisme s’interrogent sur l’effet de telles conclusions. Et surtout sur l’absence de volonté politique réelle qui transparaît au travers de phrases creuses.
pagnes électorales. Un an après les élections de décembre 2015, M. Mariano Rajoy a pris la tête, en Espagne d’un gouvernement minoritaire, qui n’a pu être investi que grâce à l’abstention du PSOE et dont l’action législative dépendra du bon vouloir de ce parti, en proie à la tourmente interne et à la concurrence de Podemos. En Pologne, tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains du PIS, dont le virage autoritaire et l’orientation eurosceptique se confirment.
Ainsi, six mois après le vote des Britanniques sur le Brexit, deux mois après l’élection de Donald Trump comme Président des Etats-Unis, les cinq grands pays européens ne sont pas en ordre de marche pour conférer à l’Union l’impulsion nécessaire pour faire face aux grands défis qui s’imposent à elle.
Et pourtant…Les conclusions du Conseil européen du 15 décembre, plutôt brèves et opérationnelles, se veulent encourageantes.
1/ Sur les migrations, l’année 2016 a été enfin marquée par quelques progrès. Mais dans un contexte de forte menace terroristes, ceux-ci peuvent sembler dérisoires.
Malgré l’intense répression policière et judiciaire engagée par les autorités turques à la suite des évènements du 15 juillet 2016, la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016, par laquelle Ankara s’est engagée à accueillir à nouveau les migrants illégaux entrés dans l’espace Schengen, en contrepartie d’une aide de 3 milliards d’euros de l’UE, a connu un début d’application. On note aussi une meilleure implication des pays d’Afrique subsaharienne dans la mise en œuvre des pactes de lutte contre l’immigration illégale. L’opération Sophia vient en appui aux garde-côtes libyens dans la lutte contre les passeurs. Le corps européen des garde-frontières et garde-côtes commence à prendre forme.
En revanche, le bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) n’est pas encore réellement opérationnel, ce qui explique les nombreuses entorses apportées aux règles de Dublin et la facilité avec laquelle des requérants dont la demande est en cours d’instruction dans un Etat-membre, voire a été rejetée, peuvent sans difficulté se rendre dans un autre Etat et y introduite une nouvelle requête.
2/ Sous la rubrique « sécurité », le Conseil européen traite d’abord du volet intérieur. Il s’agit surtout de noter l’accord sur le renforcement du contrôle aux frontières externes ainsi que la nouvelle législation sur les dossiers passagers (PNR). Un paquet plus global doit être adopté en 2017.
Mais comment l’opinion pourrait-elle admettre la crédibilité de ces progrès, alors que le 19 décembre, quatre jours seulement après le Conseil européen, le Tunisien Anis Amri a commis l’attentat que l’on sait au marché de Noël de Berlin ? Le cas de cet individu est symptomatique des difficultés de l’Europe. Arrivé à Lampedusa en 2011, Amri est condamné à 4 ans de prison pour incendie volontaire. Une fois son incarcération terminée, il aurait dû être expulsé vers son pays d’origine : mais selon une pratique hélas courante, les autorités tunisiennes n’accordent pas le LPC (laissez-passer consulaire). Amri quitte le centre de rétention et part pour l’Allemagne en toute illégalité. Débouté du droit d’asile, il n’est toujours pas expulsé. Une fois commis son terrible forfait, alors qu’il est recherché par toutes les polices européennes, il parvient à repasser en Italie, où enfin, par hasard, il fait l’objet d’un contrôle d’identité. Avant d’être abattu, il fait usage de son arme et blesse un policier italien.
3/ Le chapitre « sécurité et défense » fait l’objet de paragraphes plus étoffés.
Les plus optimistes peuvent y voir un réveil de l’Union après le Brexit et à quelques semaines de l’ère Trump. Mais là encore, au-delà des mots, la réalité est modeste.
Appel à mobiliser plus de ressources pour la défense, mais « en tenant compte des situations nationales et des engagements juridiques ». Nous sommes encore loin de l’exclusion des dépenses militaires du pacte de stabilité et de croissance, qui eût été bienvenue.
Nous trouvons ensuite l’inévitable mise en garde contre les « doubles emplois » avec l’OTAN, prétexte des plus atlantistes pour ne rien faire. Le paragraphe 10 contient l’une de ces tournures particulièrement goûtée des rédacteurs des conclusions du CE : « Agir de manière autonome lorsque c’est nécessaire, là où c’est nécessaire et avec (leurs) partenaires dans tous les cas où c’est possible ». Comme c’est dissuasif !
Mme Mogherini est invitée à présenter des propositions sur les capacités civiles, « les paramètres d’un examen annuel coordonné en matière de défense piloté par les Etats membres », etc…Est même envisagée « une coopération structurée permanente inclusive (mais incluant quoi ?) reposant sur une approche modulaire et traçant les contours de projets éventuels ». A ceux tentés de me taxer d’exagération, je garantis qu’il s’agit d’une citation littérale.
Un peu plus concret : les propositions de la Commission seront étudiées. Elles visent notamment à créer un Fonds européen de la défense. Très bien. Mais à y regarder de plus près, un budget de quelques millions d’euros, prélevable sur le programme recherche est envisagé. Quant aux activités opérationnelles, elles coûteraient beaucoup plus cher : 5 milliards d’euros : ceux-ci viendront des Etats-membres qui le voudront bien.
Après l’élection d’un Président américain décidé à se désintéresser de la défense européenne, une phrase aurait suffi : « Nous sommes enfin décidés à appliquer nos engagements de décembre 2013 sur les capacités opérationnelles, les structures de commandement et le marché de l’armement ». Mais cette phrase ne figure pas dans les conclusions du Conseil européen.
4/ Pour l’énergie, la stratégie sera appliquée en 2018 à condition « que certaines conditions essentielles soient résolues ». Il s’agit surtout du charbon allemand et polonais….
5/ Quelques phrases fortes sur le conflit syrien.
6/ Une voie de sortie pour les Pays-Bas, qui, le 6 avril 2016, ont rejeté par referendum l’accord d’association avec l’Ukraine alors que celui-ci était déjà appliqué à titre provisoire. Une décision des chefs d’Etat ou de gouvernement rappelle que cet accord n’implique ni la vocation de l’Ukraine à adhérer à l’UE, ni la libre circulation des personnes, mais prévoit la lutte contre la corruption dans ce pays.
Que ceux qui s’étonnent encore de la montée de l’euroscepticisme s’interrogent sur l’effet de telles conclusions. Et surtout sur l’absence de volonté politique réelle qui transparaît au travers de phrases creuses.
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